Mali n'était pas un escargot très aimé par ses congénères mollusques.
Un peu marginal, il ne supportait ni la pluie torrentielle des jours de fête, ni la délicate rosée se déposant sur les feuilles mortes qui jonchent le sol en les faisant briller comme une pure
argenterie.
Sa bave résiduelle se voulait esthétique et son passage était empreint de la discrétion et de l'élégance d'une cendrillon végétale aux éternelles
pantoufles de verre.
Non, l'eau qui tapissait l'espace de Mali ne lui servait qu'à assouvir des pulsions narcissiques. Chaque goutte devant laquelle il passait lentement était un prétexte pour
se regarder le nombril.
Il était si
fainéant que ceux qui le côtoyaient l'appelaient
le cavalier sans tête. Les jours de travail aux champs, qui consistaient en une orgie prolongée parmi des feuilles de salade savoureuses, il rentrait en effet invariablement ses antennes solitaires dans sa coquille de
vacances, pendant que les autres escargots s'ébattaient d'une joie partagée dans ces
maisons de pain d'épice passagères dont les poisons cachés par une main humaine coupable se faisaient parfois le four de Hansel et Gretel.
Tout cette vie agitée et pourtant si peu rapide lui donnait un tel
mal de mer qu'il décidé un jour d'appuyer sa carcasse invertébrée contre les piques d'un funeste râteau.
Et, dans l'élan prévisible d'un désespoir fatal, son plus joli sourire embrassa le bitume dans l'étreinte figée d'une ultime amertume.
Les escargots ne savent pas pleurer et il ne fut pas regretté.
Mais sa mort persiste à me troubler au plus profond de mon être, même après toutes ces années de deuil.
j'imagine que je m'excuse ...